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Opposabilité d’un bail conclu après le commandement de payer valant saisie immobilière.

Opposabilité d’un bail conclu après le commandement de payer valant saisie immobilière.

Publié le : 09/06/2020 09 juin juin 06 2020

Civ. 2e, 27 février 2020, n°18-19.174

Le bail conclu après la délivrance d’un commandement de payer valant saisie immobilière est opposable à l’adjudicataire qui en a eu connaissance.


Contre vents et marées…

En l’espèce, suivant un commandement de payer valant saisie immobilière du 4 mars 2013, un bien appartenant à la société Claridge, loué selon bail du 15 septembre 2008 à effet du 1er septembre 2008, venant à expiration au 31 août 2014, a été adjugé à la société Bestin Realty le 16 septembre 2014.

Le 6 décembre 2014, l’adjudicataire faisait délivrer aux locataires et au débiteur saisi un commandement de quitter les lieux, et le 8 juillet 2015 il était procédé, par huissier, à l’expulsion.

La société Claridge (partie saisie) et les locataires saisissaient le juge de l’exécution afin de voir annuler les opérations d’expulsion.

Par arrêt du 30 avril 2018, la Cour d’appel de Basse-Terre jugeait que les locataires n’avaient aucun droit propre à opposer à l’adjudicataire lors de l’expulsion de la société Claridge (partie saisie), au motif que le contrat de bail venu à expiration au 31 août 2014 n’avait pu se reconduire tacitement du fait de la saisie opérée par commandement du 4 mars 2013.

La Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel de Basse-Terre au motif que « la délivrance d’un commandement valant saisie immobilière n’interdit pas la conclusion d’un bail ou la reconduction tacite d’un bail antérieurement conclu, et que le bail, même conclu après la publication d’un tel commandement est opposable à l’adjudicataire qui en a eu connaissance avant l’adjudication ». 

La seule question qui se pose est celle de savoir si la motivation de cet arrêt de la Cour de cassation est conciliable, ou compatible avec le texte de l’article L 321–4 du code des procédures civiles d’exécution aux termes duquel « les baux consentis par le débiteur après l’acte de saisie sont, quelque soit leur durée, inopposables au créancier poursuivant comme à l’acquéreur ».

Le passé éclairant le présent, il convient de s’interroger sur la situation avant la réforme de la procédure de saisie immobilière en 2006.

Avant la réforme de la saisie immobilière en 2006, le sort des baux en présence d’une saisie immobilière étaient réglés par l’article 684 de l’ancien code de procédure civile aux termes duquel « les baux qui n’avaient pas acquis date certaine avant le commandement peuvent être annulés, et ceux postérieurs au commandement doivent l’être si, dans l’un ou l’autre cas, les créanciers ou l’adjudicataire le demandent ».

Nonobstant ce texte clair, dans les deux cas, la jurisprudence de la Cour de cassation retenait comme critère de l’annulation du bail, la connaissance que l’adjudicataire avait eu du bail avant l’adjudication.

Ainsi la Cour de cassation, dans le cas où le bail devait être annulé, ajoutait une condition non prévue par le texte.
Après la réforme de la saisie immobilière en 2006, même si les nouveaux textes sont un peu différents des anciens textes concernant le sort des baux (désormais ce n’est plus la nullité mais l’inopposabilité qui est prévue comme sanction), l’idée générale est la même.

Malgré un nouveau texte très clair, la Cour de cassation maintient sa jurisprudence antérieure et pose une condition non prévue par le nouveau texte pour que les baux consentis par le débiteur, après l’acte de saisie, soient inopposables au créancier poursuivant comme à l’acquéreur, à savoir qu’ils n’aient pas eu connaissance de l’existence de ces baux avant l’adjudication.

En définitive, compte tenu des différentes étapes de la procédure de saisie immobilière, les hypothèses où le créancier poursuivant et l’acquéreur n’auront pas eu connaissance de l’existence d’un bail conclu après l’acte de saisie seront très rares et quasi inexistante.

L’inopposabilité prévue par l’article L.321-4 du code des procédures civiles d’exécution ne sera donc que très rarement prononcée.

Cette situation est fort regrettable car elle permet une fraude de la part du débiteur saisi, qui va pouvoir consentir un bail après l’acte de saisie, et ainsi nuire aux intérêts légitimes du créancier poursuivant et des autres créanciers en dévalorisant la valeur de l’immeuble saisi dans la plupart des cas.

Et ceci se fera alors même que l’article R.321-3 du code des procédures civiles exécution précise que la délivrance du commandement au débiteur entraîne l’indisponibilité de l’immeuble.

On ne peut donc qu’espérer un nouveau pourvoi en cassation sur cette question afin qu’une argumentation structurée et approfondie soit soumise à la Cour pour envisager une modification de la jurisprudence.

Et que le vent tourne…

Emmanuel Joly, avocat associé

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